Le remodelage de l’Europe centrale et l’Europe de l’Est. Partie I


Il y a quelques années, les experts russes ont mis au point une modélisation mathématique de l’évolution de l’Union européenne jusqu’en 2024. Leurs résultats ont montré que l’austérité financière dictée par l’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne fera que la plus grande partie des financements de l’UE sera orientée vers la soi-disant «vieille Europe». Une petite partie des fonds devrait atteindre les États frontaliers de la vieille Europe (Pologne, République tchèque, Slovénie et Slovaquie), tandis que les États membres de l’UE, à l’est de cette ligne, ne recevront que des promesses. Cela concerne la Grèce, la Bulgarie et la Hongrie. Seule la Roumanie est exclue de cette configuration.

Profitant de la situation ainsi créée, la Russie et la Chine ont mis en place un vaste plan d’action en Europe centrale et de l’Est, basé sur la création d’un « corridor sanitaire » composé de cinq pays des Balkans (Grèce, Macédoine, Serbie, Bulgarie, Hongrie). L’essence de ce plan est juste de relancer l’économie de ce corridor et de l’amener à un niveau similaire à celui des autres pays occidentaux. Comment? En offrant, à un prix préférentiel, du gaz russe via le gazoduc South Stream. Puis d’investir dans le secteur des fabrications de machines.

Par exemple, la société chinoise de construction automobile Great Wall Motor a ouvert sa première chaîne d’assemblage européenne à Lovetch dans le nord de la Bulgarie, où elle produit des SUV, des camionnettes et des minibus, tous équipés de moteurs Mitsubishi. Ces véhicules sont  exportés vers les pays de l’UE. La société (chinoise) BYD Co. Produit déjà les autobus électriques, les voitures hybrides et les trolleys les plus performants du monde, sous licence Daimler à l’usine de Breznik, dans le sud-ouest de la Bulgarie. L’année prochaine, ils se concentreront dans la construction de trains électriques à grande vitesse pour la Bulgarie, la Serbie, la Hongrie et la Grèce.

Un autre plan d’action pour relancer l’économie du corridor sanitaire est l’investissement massif dans la création d’une infrastructure moderne de transports routier, ferroviaire, fluvial et aérien. En Serbie les chinois se sont activement lancés dans la construction d’autoroutes et de ponts sur le Danube, et dans la modernisation de tous les aéroports. Après que le directeur de l’aéroport d’Otopeni ait rejeté l’offre des chinois, l’aéroport de Budapest, est devenu un centre de maintenance technique et l’escale de 1.000 appareils d’Air China, China Eastern Airlines et China Southern Airlines, qui viennent de Chine, pour traverser l’Atlantique ou aller vers l’Afrique. Toujours avec l’argent chinois, la Hongrie a créé la première ligne rapide qui relie l’aéroport international à Budapest.
A Belgrade a commencé la construction d’un chemin de fer à grande vitesse (qui va atteindre des vitesses dépassant 300 km / h) reliant la capitale serbe à Budapest. Ensuite, à partir de Belgrade, les Chinois vont construire de nouveaux tronçons de voie rapide pour rejoindre Burgas par Sofia et de Sofia joindre Thessalonique en Grèce et Skopje en Macédoine.

Cerise sur le gâteau, construction également  d’une voie navigable qui relie Belgrade au port grec de Thessalonique en utilisant le Danube et les rivières Morava et Vardar. Ce projet a été confié à la société d’Etat chinoise CRBC, la même qui a fait le pont de Qingdao dans la baie de Jiaozhou (le plus grand du monde), six voies de voitures et d’une longueur de 42,5 km. Ce que j’écris ici peut paraître fantaisiste, mais est consultable dans la presse professionnelle qui montre que le canal navigable entre le Danube et Méditerranée, le train à grande vitesse et les autoroutes sont des projets que la Serbie est en train de réaliser avec l’argent et les entreprises Chinoises.

Le canal Belgrade – Thessalonique permettra aux Chinois, outre une mécanisation intense de l’agriculture de la Serbie (selon les méthodes utilisées dans le passé par Ceausescu) de créer un vaste réseau d’irrigation, transformant les pays riverains en un véritable grenier pour l’Europe, avec des débouchés assurés à 100 %. Grâce à ces produits les chinois arrivent directement au cœur de l’UE, sans passer par la mer Noire, avec un raccourci de plus de 1000 km.

Pour comprendre à quel point les plans russo-chinois ont été bien pensés, il faut se rappeler du projet du canal d’Istanbul qui a vu le jour en 2011, et qui devait relier la mer de Marmara à la mer Noire, parallèlement au détroit du Bosphore, permettant ainsi aux navires de guerre américains de contourner les restrictions imposées par la Convention de Montreux sur le Bosphore et les Dardanelles. Une fois les études de faisabilité et géologiques terminées, il fut établi que la longueur du parcours final du canal serait de 48 km. Mais après que la Chine eut fait l’annonce au sujet du canal Belgrade – Thessalonique, les Turcs ont arrêté leur projet car il était devenu inutile.

Par Valentin Vasilescu, pilote d’aviation, ancien commandant adjoint des forces militaires à l’Aéroport Otopeni, diplômé en sciences militaires à l’Académie des études militaires à Bucarest 1992.

Traduit par Avic