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Le Sinaï : Base américaine ?


Tribune libre Byblos

sinai-desert-mapLes discussions vont bon train dans les centres d’études US, les séminaires et ateliers sur le Sinaï et son importance stratégique. Certains chercheurs en arrivent à deux équations possibles qui se résumeraient à dire que la sécurité d’Israël dépend du Sinaï non du Golan syrien, et que la sécurité des gazoducs et oléoducs dépend du SinaÏ non de Homs en Syrie. D’autres planchent sur l’importance stratégique comparée entre Al-Qusayr en Syrie et le Sinaï en Égypte et, tenant compte des frontières terrestres et maritimes des deux pays, en arrivent à dire que le Sinaï est stratégiquement plus important que la Syrie.

Habituellement, une telle focalisation des centres de recherche sur un sujet donné n’est pas sans finalité et ne consiste pas à se contenter d’échanger les points de vue, réagir, ou exagérer un événement sécuritaire ou politique ; d’autant plus que les organisateurs de ces workshops sont aussi les décideurs en la matière.

Les diverses études ainsi menées donnent pléthore d’informations importantes sur le Sinaï, l’accent étant particulièrement porté sur sa géographie offrant à la fois des zones côtières, des zones montagneuses, et de vastes zones désertiques vides de population répondant, par conséquent, aux conditions requises par le Pentagone pour l’établissement de bases militaires fixes.

En effet, un demi-million d’habitants répartis sur 60 000 kilomètres font que la superficie de cette région est trente fois supérieure à celle de Gaza alors que son peuplement est quatre fois inférieur. Autrement dit, le Sinaï est cent vingt fois moins densément peuplé que Gaza alors que sa superficie est égale à trois fois celle de toute la Palestine, à six fois celle du Liban ou des territoires occupés en 1967 et en 1948.

Par ailleurs, le Sinaï est traversé de gazoducs, actuellement en service, transportant le gaz égyptien vers la Jordanie via la Palestine et pourrait recevoir les gazoducs partant des Pays du Golfe vers la Méditerranée.

Géographiquement, le Sinaï tient les deux rives du golfe d’Aqaba faisant face au tiers de la côte saoudienne sur la mer Rouge et au détroit de Bab el Mandeb, débouché maritime des pays du Golfe vers les côtes du Yémen, de la Somalie, du Soudan, de l’Érythrée et de l’Éthiopie. Adjacent à l’une des deux rives du Canal de Suez, il tient aussi la Méditerranée, s’ouvre en profondeur sur l’Egypte par terre et par mer, et côtoie la Jordanie, Gaza et le Néguev. Autant d’atouts pour servir de base à des porte-avions, des missiles de croisière Cruise, des antimissiles Patriot, des stations de radars géants, des stations d’écoute et de communications par satellites, et aussi de base pour des forces terrestres états-uniennes qui pourraient atteindre les cent milles soldats avec la garantie de toujours rester complètement à l’écart de la population locale.

D’autres études se sont concentrées sur l’Histoire en remontant jusqu’à Abraham pour dire que le Sinaï est le berceau des civilisations et des religions. S’appuyant, entre autres, sur l’ouvrage de Kamal Salibi, elles rappellent que la Torah est née de la péninsule arabique et que les premiers fidèles du judaïsme, du christianisme et de l’islam y ont évolué, sans oublier la dynastie monothéiste des Hyxos qui les a précédés et a gouverné l’Égypte et les Bilad al-Cham [les Pays du Levant].

Il est improbable que ces études soient l’objet d’un tel regain d’intérêt au moment même où les équations régionales calculées et imposées par les États-Unis risquent de s’inverser vu la très rapide évolution de la situation égyptienne et le non effondrement de M. Bachar al-Assad et des piliers des institutions syriennes. Non, ces études remises à l’ordre du jour ne peuvent être fortuites, d’autant plus que les États-Unis sont sur le point d’adopter une nouvelle équation fondée sur moins de dispersion de leurs forces et un repli stratégique vers une nouvelle base plus lourde axée sur l’Asie et l’Afrique, avant de s’aventurer par un redéploiement sur les mers et océans.

En revanche il est plus que probable que les Services de sécurité et la politique des USA vont désormais concentrer leurs efforts sur le Sinaï. Cela pourra prendre des mois et même des années au cours desquelles ils testeront plusieurs options. Parmi ces options, transformer cette zone en refuge pour les différents réseaux d’Al-Qaïda sur lesquels les drones US pourraient continuer leur besogne, ou la transformer en refuge pour les Frères Musulmans ; lesquels, forts de leur continuité géographique avec leurs autres Frères à Gaza leur permettraient de lancer une guerre ouverte contre le chaos dans toute l’Égypte. Une autre option plus facilement réalisable serait d’exploiter toutes ces entrées ouvertes au chaos dont des opérations fabriquées prétendument menaçantes pour Israël, notamment pour Eilat si proche, pour justifier leur mainmise directe sur le Sinaï au moyen de bases militaires gigantesques qui deviendraient le plus important porte avion US du monde.

Cette mainmise des États-Unis sur le Sinaï semble être devenue l’objectif stratégique du moment. À partir de là, il sera possible de compenser la perte des richesses pétrolières et gazières due à leur échec en Syrie. À partir de là, la sécurité d’Israël sera sous leur garde directe ainsi que celle de l’Asie, de l’Afrique et des pays du Golfe qui ne pourra pas échapper à leur vigilance. Ainsi, les États-Unis pourront dire qu’ils sont redéployés mais non vaincus !

Les yeux US sont braqués sur le Sinaï. Faisons-en autant, surtout les Égyptiens et leur Armée, maintenant que la mainmise sur le Sinaï risque de menacer la souveraineté de L’Égypte, laquelle souveraineté exige de se libérer des contraintes unilatérales imposées par « les accords de Camp David ».

Nasser Kandil

Article traduit de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal

Article original : Top News
http://www.topnews-nasserkandil.com/topnews/share.php ?art_id=2106

Monsieur Nasser Kandil est libanais, ancien député et directeur de Top News-nasser-kandil

Egypte : une partie à trois


A funeral convoy carrying the bodies of four Islamist militants drives through Sheikh Zuweid, in the north of the Sinai peninsulaD’un côté il y a le Général Sisi avec son armée et son gouvernement de transition. De l’autre, les Frères musulmans avec leur leader, Morsi, détenu par l’armée. Les deux camps avec leurs supporters se font face, prêts à en découdre, dans une ambiance malsaine pouvant mener à des affrontements sanglants.

La situation semble tellement simple que l’on a envie de dire : que le meilleur gagne. Mais tout le monde sait que ce n’est pas si simple. On voit bien qu’il y a quelque chose de plus dans l’équation égyptienne et personne ne peut mettre des mots sur cette chose. Outre les mots tabous de ‘’coup d’état’’ que l’on évite soigneusement dans certaines chancelleries et qui tendent à brouiller les évènements, on constate des faits, qui surviennent ici et là, qui viennent complétement démentir la présentation que l’on essaie de donner de ce qui se passe en Egypte.

Les snipers tout d’abord. Leur présence est récurrente tout au long des évènements depuis le début des manifestations populaires. Le problème saillant, c’est que ces snipers ne semblent appartenir à aucun des deux camps. Qui sont-ils ?

Le deuxième hic, aussi troublant, sinon plus, est en rapport avec les ‘’islamistes’’ du Sinaï, dont l’armée égyptienne (ou était-ce l’armée israélienne ?) a tué 4 membres ce week-end. Qui sont-ils ? D’islamistes à frères musulmans, tous les médias ont fait la transition sans précaution, car un long travail a été, et est encore, fait pour les assimiler. Malgré les dénégations des frères musulmans quant à leur présence dans le Sinaï, les médias préfèrent en rester à leur idée première.

Petit rappel. Tout de suite après la première révolution qui a vu tomber Moubarak, il y avait eu une attaque de ces combattants contre des gardes-frontière égyptiens. A l’époque, malgré les morts uniquement égyptiens, Israël s’était ‘’approprié’’ la destination de cette attaque. Malgré des raids de l’armée égyptienne sur le Sinaï, y compris au temps de Morsi, ces groupes ont toujours continué à sillonner la zone. Personne ne parlait alors de frères musulmans.

Ces groupes sous la désignation fourre-tout d’islamistes agissent tant sous la gouvernance des frères musulmans que sous la gouvernance transitoire des militaires. Encore une fois Qui sont-ils ? Se réveillant opportunément au moment où l’Egypte en a le moins besoin, cette troisième force semble n’être là que pour pousser l’armée à enclencher la répression.

Il faudra bien un jour chercher à identifier ces bandits et ceux qui les arment. Pour cela il faudra d’abord sortir du politiquement correct en cessant de les appeler ‘’islamistes’’ qui ne sert qu’à brouiller les cartes.

Avic

Syrie : Le prince saoudien Bandar négocie à Moscou


bandar_1La visite du chef des services de renseignements saoudiens, Bandar Ben Sultan, en Russie, a attiré l’attention, surtout qu’elle est intervenue après une rupture de deux ans entre Moscou et Riyad, dans la foulée dudit printemps arabe. Les deux pays se sont affrontés diplomatiquement et sur le terrain autour de la Syrie, d’une manière indirecte, en soutenant  leurs alliés respectifs. Il va de soi que la visite de Bandar à Moscou signifie que les Saoudiens sont disposés à négocier avec les Russes. La mission du prince saoudien se limite à la sécurité et le dossier syrien est une priorité pour les deux pays. En outre, le fait d’avoir annoncé la visite, les informations qui ont filtré sur la durée de l’entretien et les commentaires russes qui l’ont qualifié de positif, sont autant d’indices qui reflètent une volonté commune de renouer les relations.

La méfiance russe à l’égard de l’Arabie saoudite ne se limite pas à la Syrie, elle s’étend aux régions musulmanes du Caucase et au Sinaï. La Russie sait que Riyad joue un rôle dans la manipulation des groupes islamistes. Mais la Syrie reste une priorité pour les deux pays, et deux ans après le début de la crise, l’Arabie saoudite n’a pas gagné son pari.

Malgré ce qui s’est passé en Egypte, les Saoudiens ont senti que l’Occident n’avait pas abandonné définitivement les Frères musulmans et que, par conséquent, le danger que constitue pour eux cette confrérie persiste. En Syrie, ils n’ont marqué aucun point, ni sur le plan militaire ni dans les domaines politique et diplomatique. Ils disposent d’informations faisant état du recul du soutien populaire aux rebelles. Cela est clairement apparu à Alep, où l’armée syrienne progresse en silence, tandis qu’à Homs et dans la campagne de Damas, elle multiplie les succès. Par ailleurs, tous les plans d’attaque contre la capitale ont échoué. Les visiteurs de Damas, aujourd’hui, réalisent que le danger a définitivement disparu. Le bruit  des combats est plus lointain comparé aux mois précédents. Il y a ensuite les répercussions de l’affrontement entre les Kurdes et le Front al-Nosra dans le Nord, l’exigence de l’Occident de frapper les extrémistes et leurs craintes de les voir revenir dans les pays occidentaux. Pour toutes ces raisons, l’Arabie saoudite a compris qu’ils n’y aucun espoirs de réaliser ses exigences, avancées pour son compte par l’opposition syrienne. Aussi, le compromis est meilleur aujourd’hui que demain. Et elle a compris, en outre, que le compromis n’aura lieu que si les Russes sont d’accord, car la priorité des Américains est la sécurité d’Israël et le succès des négociations israélo-palestiniennes.

Bandar s’est donc empressé de demander à Moscou de négocier, surtout qu’il a senti chez les Allemands, les Français et les Britanniques, à l’issue d’une tournée européenne, une grande inquiétude à l’égard des islamistes. Il n’a pas réussi à les convaincre même sur des questions simples et a senti chez eux un changement fondamental et graduel. Voilà pourquoi le prince saoudien a décidé d’ouvrir une page nouvelle avec la Russie, tout en sachant à l’avance que Moscou ne fera aucune concession après la résistance et les victoires du régime.

Par Abbas Daher

*Source : Médiarama (1/8/13)